Il est désormais disponible dans vos librairies traditionnelles. À bientôt, se rencontrer, échanger…Et en passant, une douce année à vous tous !
Catégorie : Mes ouvrages
Mercredi 1er avril 2020
En ce jour traditionnel du quolibet, de la farce, l’Histoire n’est pas
au rendez-vous. Elle ne nous permet pas la blague. S’y adonner
serait curieux, inopportun, tout à fait déplacé, choquant. J’imagine
que personne n’oserait s’y risquer en cette année 2020.
Et pourtant je voudrais tant qu’on me dise : réveille-toi, c’était juste
un cauchemar. Tout va bien dans le monde, c’est comme d’habitude,
l’injustice partout, la mondialisation, l’empire de l’argent, les
attentats, la pollution, le plastique, les déchets, le réchauffement
climatique, les tortures, les guerres, le racisme, l’intolérance,
l’oppression…
Mais un virus mortel sur la planète, non, Clémence, tu as rêvé.
Tout va bien
Vittoria aurait aimé porter un nom qu’elle se serait choisi. Une identité qui aurait signifié quelque chose.
Ni le nom du géniteur, ni le nom de jeune fille de sa mère, ni le nom d’un deuxième beau-père resté moins de deux ans dans sa vie, ne lui paraissaient justes.
Le seul patronyme qui aurait pu avoir un sens, aurait été celui de son premier beau-père. Celui de l’amour donné.
Mais il ne lui avait pas été accordé.
« Elles avaient échangé un regard, la première fois, dans les couloirs de l’administration, le jour de l’inscription dans leurs disciplines respectives.
Et elles s’étaient reconnues, tant dans le vide de leur espoir que dans le plein de leur douleur. Elles travaillaient, l’une son corps tout entier, l’autre ses longues mains fines.
Laure, le corps gracile des enfants déjà formées à manger peu, bougeait sans cesse, cherchait le mouvement parfait, réajustait son chignon dont aucune mèche ne devait dépasser, allongeait ses jambes, tirait sur ses pieds.
Pâle comme Marie, les yeux verts mangeant tout son visage, elle ne voyait pas dans le grand miroir du studio la beauté naissante de l’artiste qu’elle allait devenir. Sa répétitrice, elle, la voyait.
Laure dansait, Marie faisait courir ses doigts sur le piano. Elles souriaient peu toutes deux mais se comprenaient silencieusement, s’aimaient. Elles s’apprivoisaient, voulaient cette amitié. »