« Elles avaient échangé un regard, la première fois, dans les couloirs de l’administration, le jour de l’inscription dans leurs disciplines respectives.
Et elles s’étaient reconnues, tant dans le vide de leur espoir que dans le plein de leur douleur. Elles travaillaient, l’une son corps tout entier, l’autre ses longues mains fines.
Laure, le corps gracile des enfants déjà formées à manger peu, bougeait sans cesse, cherchait le mouvement parfait, réajustait son chignon dont aucune mèche ne devait dépasser, allongeait ses jambes, tirait sur ses pieds.
Pâle comme Marie, les yeux verts mangeant tout son visage, elle ne voyait pas dans le grand miroir du studio la beauté naissante de l’artiste qu’elle allait devenir. Sa répétitrice, elle, la voyait.
Laure dansait, Marie faisait courir ses doigts sur le piano. Elles souriaient peu toutes deux mais se comprenaient silencieusement, s’aimaient. Elles s’apprivoisaient, voulaient cette amitié. »